Chapitre IV

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19°)

    " … Alina, originaire de la petite ville de Siemiatycze, y a laissé une partie de sa famille, dont sa fille, qu'elle retourne voir "en vacances" quatre au cinq fois par an, désormais. Quand le régime communiste s'est effondré, elle abordait la trentaine … Elle était opératrice de téléphone à la poste centrale de son patelin… En 1991, elle franchit le Rubicon, dans le sillage de tant de ses compatriotes et de ses proches. En laissant sur place sa fille de neuf ans et son mari.

    " Il n'y avait pas d'avenir pour nous en Pologne. En Belgique, j'ai trouvé du travail tout de suite. En deux jours ici, je gagnais la même chose qu'en un mois là-bas … " … Aujourd'hui, elle travaille 60 heures par semaine comme femme de ménage chez 14 clients différents. A 250 FB de l'heure, cela ne fait jamais que 15.000 FB par semaine, 60.000 FB par mois. Mais c'est du net, bien entendu. Elle partage à Evere un petit appartement avec trois compatriotes. " Depuis que je suis ici, j'en ai vu défiler, des Polonais. Mon mari, des frères, belles-sœurs, cousins, cousines, copines, … Mais aujourd'hui, la concurrence est trop forte. Cela devient difficile de trouver du travail. "

    Sa vie s'est réorganisée. Elle vit en Belgique, passe toutes ses vacances en Pologne, avec sa fille, qui aborde désormais des études supérieures en informatique. Et qui vient aussi régulièrement en Belgique. Quand Alina retourne, elle se fait remplacer par une cousine ou une proche : " Je ne veux pas risquer de perdre mes places ! " Une vraie petite entreprise, apparemment. Elle a même un GSM. Pas question, évidemment, d'avoir une ligne téléphonique officielle. A propos, pas trop risqué, la clandestinité ? " En huit ans, je n'ai jamais été contrôlée. Pourtant, ma voiture immatriculée en Pologne, ça ne passe pas inaperçu … " Et les autres ? " Mon beau-frère a été arrêté une fois, il y a deux ans. La police l'a renvoyé à Varsovie en avion. Deux jours après, il était de retour. Et il n'a plus jamais eu d'ennuis. "

    Et L'avenir ? Combien de temps encore compte-t-elle poursuivre dans cette voie d'exil qu'elle s'est tracée ? "La Pologne est devenue une démocratie, je n'en doute pas quand je l'ai quittée. Mais aujourd'hui, la vie y est beaucoup plus chère et j'aurais les pires difficultés à y trouver du travail. Non, je suis bien ici. Je reste. Alina a d'ailleurs bien l'intention de convaincre sa fille de la rejoindre … "

- Extrait du journal "Le Soir" du 3 et 4 avril 1999, p.10

20°)

    Pour terminer ce point sur les témoignages, je vais vous donner mon propre témoignage. " Je suis de la troisième génération. Mon père est né en Belgique. Pendant la deuxième Guerre Mondiale, son père, comme beaucoup de Polonais, a été déporté en Allemagne. Il y a connu sa femme (ma grand-mère paternelle), déportée (de Pologne) elle aussi, et s'est installé avec elle en Belgique (pour plus de précisions, veuillez-vous référer au témoignage de ma grand-mère paternelle, numéro 18°). Quant à ma mère, jeune étudiante en droit, en vacances en Belgique avec sa mère, chez son oncle (cf. le grand-père du témoin numéro 17°), elle y a rencontré mon père. En mars 75, ils se sont mariés en Pologne pour éviter des ennuis à la famille de ma mère. En effet, le régime communiste n'acceptait pas le mariage de Polonais à l'étranger. Depuis, ils vivent à Boussu où six ans après, ma mère m'a donné naissance et mes deux sœurs m'ont suivi sept et neuf ans plus tard.

    A la maison, nous ne parlons pas du tout polonais, sauf lors des nombreuses visites de ma grand-mère maternelle. Ma mère a appris le français lorsqu'elle suivait ses études en Pologne, elle s'est perfectionnée grâce à des cours du soir à Mons et aussi grâce aux nombreux romans qu'elle lisait et qu'elle continue à lire. J'ai appris à parler le polonais lors de mes nombreux voyages en Pologne durant les grandes vacances scolaires. Je parle couramment, je comprends, je lis le polonais mais je ne sais pas l'écrire (trop difficile). Quant à mes sœurs, elles ne font que s'initier mais elles comprennent et parlent déjà un peu. Mon père parlait le polonais durant sa petite enfance avec son frère et ses parents, jusqu'au décès de son père. Mais aujourd'hui, il ne parle cette langue que très peu…"

- Mon propre témoignage