Chapitre IV

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17°)

    " Mon grand-père était né en Pologne à Poznan. Avant la guerre, il a terminé des études pour être instituteur. En septembre 1939, mobilisé comme lieutenant, il a fait la campagne défensive contre l'invasion allemande. La Pologne ayant perdu, mon grand-père, étant instituteur, officier et membre de l'intelligentsia, se cacha pour éviter d'être déporté à Katyn, où les membres de l'intelligentsia étaient destinés à être déportés. Un an après, il a été trouvé par les Allemands et envoyé au camps d'Oswiecim (Auschwitz). Là, puisqu'il avait une très bonne connaissance de la langue allemande, il a été utilisé comme interprète durant sa captivité. En 44, mon grand-père a été transféré à Dachau. A la fin de la guerre, il est resté en Allemagne où en 1947, il se maria avec une captive rescapée des camps de concentration. Auparavant, en 46, elle a donné naissance à mon père. Ayant répondu à la demande de la Belgique, mon grand-père est venu s'y installé en 47 et un an plus tard, sa femme l'a rejoint. En 49, elle donna naissance à une fille - aujourd'hui, institutrice comme son père (mon grand-père), elle vit depuis 30 ans au Canada. Mon grand-père travaillait à la mine durant la journée et dans la soirée, il donnait des cours de polonais aux enfants d'immigrés polonais, à Hautrage. A la mine, il travaillait comme chef porion. Sa femme (ma grand-mère) tenait un café et des logements (des cantines d'ouvriers) pour les célibataires polonais et d'autres personnes d'origines slaves. Pendant plusieurs années, mon grand-père donnait des cours de polonais mais avec l'âge, il a été remplacé par d'autres instituteurs plus jeunes. A la maison, il parlait exclusivement polonais avec nous - aujourd'hui, il est décédé et je ne pratique plus cette langue. Mais mon père parle toujours très bien sans jamais avoir mis les pieds en Pologne … Mon père est psychologue, comme ma mère, et moi, j'ai terminé mes études d'ingénieur … "

- Témoignage d'un habitant de Dour

 

18°)

    " En 41, j'avais 16 ans et je fréquentais ma deuxième année au lycée à Kolomyja, près de Lvov. Cette région, à l'époque, appartenait à la Pologne mais après la fin de la 2ième Guerre Mondiale (aujourd'hui : Ukraine). Malheureusement, mon école fut bombardée. Entre-temps, j'apprenais que les Allemands cherchaient de la main d'œuvre pour travailler en Allemagne. Beaucoup de Polonais répondirent négativement et les Allemands employèrent une tactique inhumaine pour les emmener de force en Allemagne. Sachant que les Polonais étaient très croyants, le dimanche, les Allemands entouraient les églises de camions et de soldats SS. A la sortie de la messe, ces derniers faisaient soi-disant un contrôle d'identité et plaçaient lesLes baraquements d'Allemagne (1946). Polonais (de plus de 16 ans) de force dans les camions qui les emmenaient en Allemagne. En Allemagne, ils travaillaient très durement dans les fermes, sur les champs ou dans des fabriques.

    En ce qui me concerne, je parlais le russe et l'allemand et on m'a proposé le rôle d'interprète. J'ai refusé car si j'avais acceptée, par après, on aurait put m'accuser de collaboration avec les Allemands. C'est à cause de ce refus que j'ai été déportée. En Allemagne, je travaillais dans une ferme près de Hanovre où je connus mon futur mari (un polonais) qui travaillait, là aussi. Nous avons été libéré par les Américains. Les Polonais étaient libres de retourner en Pologne mais rares étaient ceux qui l'ont fait car le régime communiste s'était installé en Pologne. Les Polonais cherchèrent plutôt du travail ailleurs, notamment en Belgique. Ils devaient y émigrer comme réfugiés politiques. Le seul travail,Baraque de mineur à Hornu (1952). pour l'époque, qui ne demandait pas beaucoup de connaissance du français fut le travail de la mine.

    En 46 (encore en Allemagne), j'ai mis mon premier fils au monde. Je vivais avec mon fils dans des baraquements en Allemagne jusqu'à mon arrivée en Belgique, en 48. J'ai rejoint mon mari, à Hornu, où nous vivions dans une baraque de charbonnage avec un lit, un foyer, une table et deux chaises. En 49, j'ai eu un second fils.

    Malheureusement, en 1955,il a été tué à la mine (sept ans après notre arrivée en Belgique). En 56, avec mes deux garçons orphelins, j'ai déménagé à Boussu où j'habite encore aujourd'hui. Je faisais partie d'un groupe de chanteurs et chanteuses polonais folkloriques dans la région de Mons (Hautage, Tertre, Boussu, Dour, …) et j'apprenais des danses polonaises aux jeunes, notamment à mes deux fils qui me suivaient lors de mes tournées avec ma troupe … "

- Témoignage d'une habitante de Boussu