Chapitre IV

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Suite (2/4)

10°)

    " … ce qu'il y avait aussi d'un peu "spécial", c'était que les chefs, les porions, étaient méchants, et comme il n'y avait presque pas de Belges au fond, mais surtout des Tchèques, des Yougoslaves, des Italiens, des Polonais, il faut croire qu'ils se vengeaient. Ils criaient, ils criaient en pensant faire le malin vis-à-vis des gens qui ne les comprenaient même pas … Mais ça a changé un peu quand nous, les fils on a commencé à travailler. Parce que nous, on savait le français. Et on leur a dit : "Tout doucement, hein ! On comprend, nous, et toi, tu nous insultes" … "

- Témoignage d'un habitant de Tertre

11°)

    " La grève. On n'osait pas faire la grève. Avant la guerre, l'étranger qui faisait la grève, 24 heures après, il était à la frontière polonaise … "

- Témoignage d'un habitant de Tertre

12°)

    " J'ai rejoint mon père en 25, j'avais 15 ans. Deux jours après, j'étais au fond. Directement, je travaillais avec un cheval, au chariot … On travaillait à trois postes : de 6 à 14 heures, de 14 à 22 heures et de 22 à 6 heures. Mais on étaient tous mélangés dans les dortoirs. Tout le monde réveillait tout le monde, il y avait plein de bagarres et on était tous entassés les uns sur les autres … "

- Témoignage d'un habitant de Retinne

13°)

    " En 41, mon père s'est retrouvé au camps de concentration d'Oswiecim (Auschwitz). Il y resta jusque 1943 et on le transporta à Dachau où il resta jusqu'à la libération du camp. Après la guerre, la Pologne bascula dans le camps des communistes et mon père préféra tester l'ouest. Entre-temps, il se maria avec une veuve de guerre qui avait déjà une petite fille (ma sœur aînée). Ils vivaient dans des baraquements, en Allemagne, parmi d'autres Polonais qui ne voulaient plus retourner dans leur patrie devenue communiste. Le gouvernement belge nous (mon père et les autres Polonais) fit une proposition de travail dans les mines en Belgique. Mon père postula et partit "seul" pour la Belgique, en 47, car il y avait uniquement les hommes qui partaient pour tout d'abord s'installer et voir la vie y était possible. Très vite, il put se mettre au travail et il descendit accompagné des autres Polonais dans la mine. Seulement en 48, ma femme et ma sœur purent le rejoindre. En 49, ma mère donna naissance à sa seconde fille (moi-même). Mon père travailla dans la mine jusqu'à sa fermeture. Malheureusement, il contracta la maladie des mineurs et il y succomba rapidement … "

- Témoignage d'une habitante de Tertre

14°)

    " Mon arrière-grand-père quitta illégalement, en 1914, la région de Poznan pour ne pas être incorporé dans l'armée prussienne. Il est parti vivre en Westphalie où il se maria et eut ses enfants. En 1922, il s'installa avec toute sa famille en Belgique. Les mines de houilles sollicitèrent des maîtres polonais du forage. Comme mon grand-père s'était spécialisé dans le forage en Allemagne, ce fut l'occasion pou lui de se rendre en Belgique. Durant la seconde Guerre Mondiale, mon grand-père participa activement à la lutte clandestine contre l'occupant allemand. Sous le pseudonyme de "Adam", il était le chef du district de Quaregnon. Avec ses hommes, il faisait des sabotages dans les productions des mines contre l'occupant et il recherchait des informations sur les mouvements des troupes allemandes. Contrairement à son père, mon père choisit le chemin des études pour ne pas devoir travailler à la mine … Aujourd'hui, nous sommes déjà la cinquième génération vivant en Belgique … "

- Témoignage d'un habitant de Quaregnon

15°)

" Je suis arrivé en Belgique avec mes parents en 1937 ; j'avais 17 ans. Nous habitions à Quaregnon et mon père travaillait à la mine. Pendant l'occupation allemande, je me suis engageais à la mine pour échapper aux déportations vers l'Allemagne où les travaux forcés nous attendaient. Peu après, j'ai décidé avec quelques-uns de mes camarades de rejoindre les forces armées en Angleterre. Notre transfert fut assuré grâce à l'aide d'un membre de l'organisation clandestine polonaise. En Angleterre, je trouvais d'autres jeunes polonais qui venaient de tous les coins du monde pour se battre contre les Allemands, la plupart en tant que pilotes. Tous ces Polonais étaient réunis sous l'escadres 302 et 303. Ces jeunes pilotes ont descendu près de 214 avions allemands durant la bataille d'Angleterre. Ce qui représente 12 % de tous les avions allemands descendus durant cette bataille. Moi, je travaillais plutôt au sol comme mécanicien. Après la guerre, je suis retourné en Belgique. Je n'ai pas pu échapper au travail de la mine et j'y rejoins mon père. Aujourd'hui, je suis retraité de la mine et je souffre des conséquences de mon travail à la mine (maladie des mineurs). "

- Témoignage d'un habitant de Quaregnon

16°)

    " Pendant la 2ième guerre, mes grands parents paternels, , ont été déportés avec leurs enfants en Allemagne dans les environs de Breslaw (aujourd'hui : Wroclaw en Pologne). Là, ils travaillaient à la ferme parmi des prisonniers belges qui ne savaient parler ni polonais et ni allemand. La vie était encore plus pénible pour ces belges et ils mourraient de faim. Un jour, mon grand-père surprît un prisonnier belge qui mangeait de la nourriture pour bœufs (de la bouilli de betteraves) et mon grand-père l'invita chez lui à partager son repas. Le jeune belge venait chaque jour chez eux et il tomba amoureux d'une des filles de mon grand-père. Ils se sont mariés après la guerre et il a amené sa jeune épouse en Belgique. Il y travaillait comme photographe du Roi Léopold III.

    Quelques années après, ma grand-mère qui était devenu veuve, s'est installée en Belgique, auprès de sa fille. Plus tard, cette veuve y épousa un belge. En 1959, elle a fait venir son fils (mon père) en Belgique avec sa femme et ses enfants dont je faisais parti ; j'avais seize ans. Mon père travaillait dans une imprimerie à Bruxelles pour le journal "La Libre Belgique". Croix Chevalier d'argent de l' "Ordre du Mérite"

    A quatorze ans, j'avais connu, en Pologne, mon véritable amour : un garçon polonais. Il était resté en Pologne lorsque j'ai quitté ma patrie. Malgré ça, les kilomètres ne nous ont pas sépare car en 1963, mon oncle (témoin numéro 17°) l'a fait venir en Belgique. Cette même année, je me suis marié avec lui. Mon époux travaillait comme imprimeur avec mon père, jusqu'à sa préretraite en 1998. Depuis toujours, nous étions très actifs au sein des différentes organisations polonaise en Belgique. De plus, en 1998, pour ses actions, mon mari a été décoré d'une grande décoration polonaise : la croix chevalier d'argent de l' "Ordre du Mérite". Il l'a reçu par le président de la République Polonaise. Nos petits enfants forment, aujourd'hui, notre 5ième génération de Polonais en Belgique. "

- Témoignage d'une habitante de Vilvoorde