Chapitre I

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A] Début de l'émigration

1. Premiers établissements polonais

    Les premiers établissements de Polonais à l'ouest du Rhin, dans le Brabant datent déjà du XIIIième siècle. Parmi ces premiers Polonais, le plus connu fut le propriétaire terrien Jean de Pologne établi à Louvain en février 1253. Cette certitude a été établie par des recherches scientifiques du chercheur et historien belge H. Vander LindenSource : Marek ZMIGRODZKI, Polonia w Belgii, Polonijne centrum kulturalno - oswiatowe uniwersytetu Marii Curie-sklodowskiej w Lublinie, Lublin, 1978, 119 pp.. Les buts de leurs voyages n'étaient pas seulement les foires de ChampagneChampagne : région de l'est du Bassin parisien, un des grands foyer d'échanges européens de l'époque car située sur l'une des principales voies de terre reliant l'Italie et la Flandre. , mais aussi les villes de Flandre connues pour leurs splendeurs, remarquablement situées sur la voie reliant l'est à Bruges.

    La date du février 1253 peut encore être certifiée par les registres des échevins de Louvain attestant la cession par le propriétaire terrien Jean de Pologne d'un paiement d'un montant de dix sousUn sou : ancienne monnaie, équivalant à 1/20ième de franc. au profit du chapitre de l'église Saint-Pierre prélevé de Jean fils de Tiloi, batelier à Louvain douant une maison située sur le territoire appartenant à l'émigrés polonais. Dans les registres des échevins de Louvain, on a qualifié Jean de Pologne de "propriétaire terrien". Ce titre montre qu'il était propriétaire de parcelles de terres sur le territoire de Louvain, et qu'il dépendait de l'autorité des échevins. Il put profiter du droit bourgeois de Louvain exigeant de remplir les conditions concernant les habitations, c'est-à-dire qu'un émigré devait habiter sur le territoire de la ville pendant au moins un an et un jour. Donc, avant qu'un émigré polonais devienne un propriétaire terrien à Louvain, il devait habiter et travailler pendant un an sur place.

 

2. Au moment de la naissance de l'Etat Belge

    Plusieurs siècles passèrent sans qu'on eut entendu parlé d'autres émigrations polonaises dans nos régions jusqu'au jour du 29 novembre 1830 où éclata une insurrection armée, en Pologne. Les Polonais expulsèrent les autorités impériales et, en janvier 1831, proclamèrent leur indépendance. Lors de la guerre qui s'ensuivit, les Polonais gardèrent les Russes à distance pendant plusieurs mois.

    Cette révolte a provoqué l'arrêt de l'armée du tsar Nicolas I qui venait en aide à son allié hollandais, Guillaume I, pour réprimer l'insurrection en Belgique car à ce même moment, la Belgique cherchait à acquérir également son indépendance.

Léopod 1er... Premier Roi des Belges     Mais les Russes remportèrent une victoire importante à Ostrolenka, en mai 1831, et prirent Varsovie en septembre. Cet échec a causé l'arrivée de Polonais en Belgique. Ceux-ci ont constitué le plus grand groupe d'émigrants polonais installés en Belgique; leur présence a contribué au développement du jeune royaume. Au nombre d'environ 200 après 1833, c'étaient principalement des officiers insurgés et leur famille ainsi que l'intelligentsiaIntelligentsia : ensemble des intellectuels aux aspirations révolutionnaires. leur étant liée de façon idéologique. Ils ont vu leur mission dans le développement de la culture nationale et dans la création de nouvelles idées morales de la libération nationale. Parmi l'intelligentsia, la figure de proue fut sans aucun doute Joachim LelewelJoachim Lelewel, Stanislaw Worcell et Aleksander Pulaski : cf. Premiers rôles polonais(chapitre2.A) , un des plus Grands Polonais, excellent historien et politicien, qui, pendant près de trente ans, à partir de 1833, a vécu à Bruxelles. A ses côtés se trouvèrent d'autres démocrates polonais, expulsés plus tôt de France, comme Stanislaw Worcell, Krepowiecki et le curé Aleksander Pulaski (Pulawski). Plusieurs de ces officiers polonais ont d'ailleurs participé dans l'organisation de l'armée belge. Les sources belges permettent actuellement d'établir les noms d'une cinquantaine d'officiers polonais, et précisément 56, que le roi Léopold recruta dans son armée comme instructeurs.

    Les traités de paix signés entre la Belgique et la Russie, en 1831 et 1839, ont entraîné une diminution substantielle des effectifs de l'armée belge, cette mesure a concerné particulièrement les étrangers et, suite aux demandes du gouvernement russe, les Polonais. Ces traités furent nécessaire à notre pays pour qu'il puisse être reconnu par la Russie. Dans les années qui ont suivi l'accord, un certain nombre de polonais ont quitté l'armée. Ceux qui y sont restés n'ont pas tenu longtemps car on leur a créé des conditions rendant leur activité impossible ou on ne leur a plus donné de promotion. Après 1853, plus aucun étranger ne restait dans l'armée belge. C'était une exigence des Grands Empires. La plupart de ces polonais retournèrent en Pologne et les autres préférèrent rester en Belgique grâce à la pension qui leur fut gracieusement accordé par Léopold 1er, en vu de leurs loyaux services dans notre armée.

Les émigrés polonais reçus à l'hôtel de ville de Bruxelles par le Bourgmestre et les membres du Comité (1833)... (Cabinet des Estampes, Bruxelles)

    Voici la liste des officiers polonais admis, en 1832, au service de la Belgique, ainsi que la date extrême de leur activité militaire dans notre pays :

Général de cavalerie : Colonels : Prot de Proszynski, Félix (1832-1852);
Zamoyski, Ladislas, comte (1832-1839).
Major : Linowski, Constant (1832-1853).
Capitaines : Leszczynski, Stanislas (1832-1844);
Potocki, Bernard, comte (1832-1839).
Service de Santé : Médecins de bataillon : Jastrzemski, Jean-Pierre (1832-1853);
Sulikowski, Théophile (1832-1833).
Infanterie : Capitaines : Salkowski, François (1832-1834);
Sczepanski, Antoine (1832-1848).
Lieutenants : Dembinski, Adolphe (1832-1839);
Kozmian, Adam (1832-1836);
Patkowski, Sigismond (1832-1853).
Sous-lieutenant : Dulfus, B. (1832-1835).
Cavalerie : Major : Von Brochowski, Armand (1832-1853).
Capitaines : de Wolodkowicz, A., comte (1832-1837);
Grabowski, M., comte (1832-1837);
de Saint Cyr, Charles-Léonard (1832-1853);cf. images ci-dessous
Lubieniecki, M. (1832-1835);
Ostrowski, Th., comte (1832-1835);
Rottermund, Modeste (1832-1844);
Zaba, François (1832-1841);
Zabiello, Joseph (1832-1833).
Lieutenants : de Mazurkiewicz, Léon (1832-1846);
Purzycki, Joseph (1832-1834);
Rewzuski, Otton (1832-1838).
Artillerie : Majors : Froelich, Antoine (1832-1847);
Kleczowski, Corneille (1832-1853);
Zboinski, Maximin (1832-1853).
Capitaines : Michalowski, Ignace (1832-1853);
Szopowicz, Alexandre (1832-1833);
Sobieski de Janina (1832-1853);
Zawisza-Czarny, Alfred (1832-1847).
Lieutenant : Czarnowski, Théophile (1832-1842).
Sous-lieutenant : Ostrowski, Joseph (1832-1836).

    Le 3 décembre 1832, deux grands seigneurs polonais entrèrent encore dans l'armée belge : les comtes Ladislas Zamoyski et Bernard Potocki; ils y servirent jusqu'en 1839. Mais contrairement aux autres, ces derniers servirent en qualité de volontaires et ils ne jouirent d'aucun traitement ; ils eurent seulement droit aux allocations de vivres et de fourrages.

Charles-Léonard de Saint-Cyr... Capitaine-Commandant au 2ième Chasseurs à Cheval... (Musée Royal de l'Armée, Bruxelles)                     Brevet et Croix "Virtuti Militari" ayant appartenu à Charles-Léonard de Saint-Cyr... (Musée Royal de l'Armée, Bruxelles)

 

3. Premiers étudiants polonais

    Après l'insurrection de janvier 1863 en Pologne, le nombre des émigrés politiques polonais en Belgique se renforça par l'arrivée des plus actifs combattants de l'insurrection de janvier. Ils furent probablement environ deux cents personnes.

    Pendant la période post-insurrection, un nombre assez sensible de jeunes étudiants polonais arriva aussi en Belgique, où ils furent accueillis avec bienveillance. Le principal motif de l'arrivée des Polonais pour leurs études en Belgique était la reconnaissance par ce pays des diplômes des écoles privées qui, en Pologne, étaient très nombreuses.

    Ils étudiaient plus particulièrement les sciences naturelles et sociales à l'Université de Bruxelles; 219 étudiants ont terminé l'Université de Gand, 565 ont étudié à l'Institut Commercial à Anvers. Un certain nombre de jeunes étudiants polonais étudiait dans des centres scientifiques belges plus petits tels que l'Ecole Polytechnique de Mons, l'Institut Agronomique de Gembloux, l'Ecole Textile de Verviers. Cependant, le plus grand nombre d'étudiants polonais vécurent à l'Université de Liège où, durant les années 1880-1914, 1025 Polonais finirent leurs études principalement dans les branches techniques.

    Vers la fin du XIXième siècle, plusieurs associations d'étudiants polonais se sont créées, celles-ci formaient, en 1895, l'Union de la Jeunesse polonaise en Belgique -"Lacznosc" et "Le cercle des étudiants polonais de Anvers".

 

4. Début du XXième siècle

    Dès le début du XXième siècle, l'émigration polonaise en Belgique n'avait plus un caractère politique, mais principalement économique. En 1906, le professeur André Dumont découvrit du charbon sur le territoire du Limbourg, dans la localité d'As. L'année suivante, arriva des environs de Cracovie-Sosnowiec, le maître de forage Jean Skibinski qui, au bout d'un certain temps, commença à travailler dans la plus ancienne mine du Limbourg, à Winterslag.

    L'émigration économique vers la Belgique fut dirigée dès 1911 par l'Association d'Emigration Polonaise de Cracovie. Elle organisa pour 127 jeunes ouvriers non qualifiés leur départ dans les mines de la région du Bassin du Centre. Ils ont travaillé dans les mines à Ressaix et Mariemont. C'était un travail que les ouvriers locaux ne voulaient pas faire, qui n'exigeait pratiquement pas de qualification et qui était très mal payé.

    Afin de maintenir la culture polonaise de ces Polonais loin de leur patrie, le "Cercle des Etudiants de l'Associations de Lelewel" prit soin d'eux, en leur livrant des livres et des journaux polonais et en leur organisant des conférences scientifiques.

 

5. Conclusion

    Dès le début de l'émigration, les Polonais ont su trouver une terre d'accueil qu'est la Belgique. Ce pays fut un bon refuge pour tous ces insurgés qui fuirent leur pays, un lieu d'étude pour tous ces jeunes étudiants, ainsi qu'un terrain d'embauche pour tous ces ouvriers polonais.